L’ARBRE
Sur
la colline, sentinelle devant l’éternel,
Se tient
un arbre millénaire.
Son corps
tout entier, noueux et élancé,
Est empreint
de grâce.
Du
haut de ses branchages il contemple la vallée,
Et scrute, imperturbable, cette humanité en marche
Qui n’a de cesse de reproduire, années après années,
Les mêmes errances.
Et
l’arbre de soupirer aux quatre vents :
“Et pourtant il suffit de si peu pour être enfin heureux.
Que puis-je donner de meilleur que des fruits ?
Existe-t-il quelque chose de plus savoureux en ce monde?”
Statue
de pierre en hiver,
Recouvert d’un épais manteau de neige,
Il se repose en silence
Pour se ressourcer.
Et
lorsque le ciel accueille un soleil moins frileux,
Il y a ce moment magique et merveilleux
Où ses branches se colorent de fleurs
Et habillent l’espace de senteurs.
Par
un acte d’amour et de grâce,
Il se remet à vivre
Et s’habille d’un manteau de feuilles
Qui lui confère une toute autre stature.
Dans
son délit de saison,
Il offre des présents savoureux comme l’éclat solaire.
Ses branches se prosternent alors de fruits
Afin que nos mains puissent les cueillir.
Et
les enfants rient, encore et encore,
En recueillant dans leurs petites mains
Ces offrandes du ciel
Qui explosent de saveurs sur leurs langues ingénues.
Et
c’est une danse sans fin,
Une chorégraphie de fruits et de plaisirs
Qui s’exécute le plus naturellement du monde
Sous l’arbre bruissant de générosité.
La
nuit, cime pointée vers le ciel,
Il contemple la Voie lactée.
Il suffit alors d’une once de vent pour faire chanter ses feuillages
Et éclairer sa propre obscurité.
Lorsque
la voûte céleste suspend ses lumières et que l’astre
solaire enfante le jour,
Il s’ébroue de rosée
Et invite les oiseaux à jouer de ses branchages comme d’une
harpe,
Tout en puisant dans l’eau souterraine des cantiques oubliés.
Les
soirs de grande chaleur,
Il nous évente de fraîcheur.
Et lorsqu’à l’automne l’orage
éclate,
Il nous abrite sous son manteau écarlate.
Sur
sa peau, il garde quelques cicatrices ouvertes
Qui perlent de résine,
Mais il se tient toujours droit dans les intempéries,
Imperturbable et enraciné dans son inflexible volonté de
grandir.
Il
officie dans la terre de nos ancêtres
Et nous parle d’une histoire
Où les hommes vénéraient la Terre
Et lui vouaient un respect inconditionnel.
Du
haut de ses branchages,
Devenu alors grand prêtre d’amour,
Il lance sa chevelure dans le vent
Et entame sa strophe.
Et
toute la contrée se tait pour écouter
Et se ressourcer au berceau de sa naissance...
Car derrière les rameaux de ses silences,
S’expriment les plus hautes instances.
Et
c’est le monde finalement qui prête l’oreille
Et écoute sa propre histoire...
Un temps où l’on vénérait la vie
Et cédait aux assauts de la beauté.
Il
en a connu des drames !
Il en a connu des larmes !
Et si ses fruits se sont raréfiés,
Ils ne s’en sont que bonifiés !
Et
son seul désir encore est de vivre
Et de dire aux hommes leurs ancêtres communs...
Et son seul plaisir encore est de vivre
Et de rire sur la Terre avec ses frères humains...
Poème
extrait du recueil Source
intérieure
d’Alain Degoumois.
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